Aceredo – les fantômes du monde sans limites
Tout juste 30 ans. C'est le temps qu'il a fallu au village englouti d'Aceredo en Galice pour réapparaitre. En 1992, ce petit village agricole où l'on cultivait le vin en terrasses fut englouti sous les eaux du barrage d'Alto Lindoso. C'était pour la bonne cause du développement durable et du progrès.
Mais l'énergie hydroélectrique demande de l'eau et justement de sécheresse en sécheresse, le niveau de celle-ci n'a cessé de baisser. Au point qu'en 2017, mais surtout en février 2022, un peu plus de 70 maisons de pierres ont réapparu au fond du réservoir. Il n'a plu cette année-là que le quart de ce qu'il aurait dû.
Les anciens habitants et leurs familles sont venus voir ce qu'il restait de leurs demeures, marquant leurs propriétés à coups de graffitis. Certaines sont encore debout, d'autres effondrées. On y retrouve des objets du quotidien, des caisses de bières qui semblent avoir été oubliées là la veille, des chaussures, une voiture. Les innombrables souches d'arbres, coupées avant la mise en service du barrage, interrogent sur la pertinence d'un modèle dont la durabilité n'a été que de 3 décennies.
La source de ce phénomène qui s'il est plus marqué ici est loin d'être isolé et concerne plusieurs retenues espagnoles est bien sûr le réchauffement climatique. Les prévisionnistes du climat appellent une boucle de rétroaction négative : moins d'eau dans le lac du barrage amenant moins de production d'électricité décarbonée, celle-ci sera compensée par des méthodes carbonées ce qui contribuera à aggraver la source des problèmes. Le serpent se mord la queue et en avale un peu plus chaque année.
Aujourd’hui, le site d'Aceredo proche de la frontière avec le Portugal reçoit des centaines de visiteurs venus constater de visu les effets visibles de réchauffement climatique. Prélude à une réelle prise de conscience ? On ne peut que le souhaiter.